TRISTAN ROGER

Maître de Conférences à l’Université Paris-Dauphine depuis 2014, Tristan Roger a rejoint le département Finance, Audit, Comptabilité, Contrôle de l’ICN Business School en septembre 2021. Il est titulaire d’un doctorat de Finance de l’Université de Grenoble, obtenu en 2013. Tristan Roger a été chercheur invité à l’Université de Californie, Berkeley en 2012-2013.

Quels enjeux ?

Les considérations de soutenabilité occupent une place croissante dans la finance contemporaine. Les sociétés d’investissement, et plus particulièrement les analystes financiers par leurs conseils, peuvent jouer un rôle majeur pour rendre la finance plus soutenable selon les critères ESG, c’est-à-dire plus compatible avec la préservation de l’environnement (E), du bien-être social (S) et avec une meilleure gouvernance (G). S’il existe quelques contributions sur la manière dont les analystes financiers prennent en compte les critères ESG dans leur recommandation d’achat d’actions, la manière dont les analystes financiers ciblent les prix des actions émises par des firmes dotées d’un score ESG n’a guère été étudiée. Existe-t-il une relation entre le score ESG obtenu par une firme donnée et sa valorisation cible (target price) proposée par les analystes financiers ?

Questions de recherche

Lorsqu’une firme obtient un score ESG élevé, cela conduit-il les analystes financiers à anticiper, et donc valoriser, un cours plus élevé ou plus faible pour ses actions ? Est-ce que cette relation entre score ESG et valorisation cible est identique, quels soient la taille de la firme ou son secteur d’activité, voire d’autres caractéristiques de la firme ?

Données et méthodes

Pour répondre à ces questions, Tristan Roger s’appuie sur un échantillon de données, collectées entre 2015 et 2020, sur les valorisations cibles d’actions américaines publiées par les analystes financiers, et sur les caractéristiques des firmes associées (capitalisation boursière de la firme, volumes échangés…). Les scores ESG proviennent de Refinitiv ESG, à un niveau agrégé ou en isolant chaque composante, E, S et G. 

Dans un premier temps, l’auteur propose une analyse univariée qui montre l’évolution temporelle du rendement attendu de la valorisation cible proposée par l’analyste financier en fonction de chaque composante de score E, S, G, pour chaque tercile (1/3 classées en score faible, 1/3 en score moyen et 1/3 en score élevé). Plus le score E, S, ou G est élevé, plus la valorisation cible est faible. Cette corrélation cachant d’autres déterminants potentiels, l’auteur propose une analyse économétrique multivariée dans un second temps. 

Messages clés 

1. Les analystes financiers utilisent les scores E, S et G pour proposer des valorisations cibles d’actions américaines

2. En première approximation, il existe une corrélation négative entre la valorisation cible et le score E, S ou G : les firmes dotées d’un score E, S ou G élevé ont des valorisations cibles faibles publiées par les analystes financiers, et l’effet est plus marquant à partir de la mi-2018

3. Ce premier résultat est trompeur car il masque les différences entre les firmes. Lorsque les caractéristiques intrinsèques des firmes sont prises en considération (leur taille, leur capitalisation boursière, les volumes d’actions échangés, leur secteur d’activité, leur endettement…), la valorisation cible est positivement corrélée avec les scores E, S et G, de manière statistiquement significative

4. Le score environnemental E a l’impact positif le plus fort sur la valorisation cible, suivi du score social S et du score de gouvernance G

5. Sur un plan méthodologique, l’étude montre qu’il est nécessaire d’aller au-delà des effets statistiques moyens, en raisonnant toutes choses égales par ailleurs : une corrélation négative au niveau agrégé peut se révéler positive à un niveau désagrégé (par taille ou secteur d’activité)

Mots clés : score ESG, analystes financiers, valorisation cible